Eric, maraîcher dans l’Ain
Comment concilier valeur et travail ?

La passion a été le moteur de tout mon projet. Je suis installé en maraîchage, en AMAP, depuis 4 ans, dans l’Ain à côté de la Suisse (zone frontalière avec beaucoup de mouvements de personnes, urbanisée, pouvoir d’achat assez élevé). Ce n’est pas facile d’y trouver des terres, j’ai eu la chance de m’installer sur des terres familiales.

Donner un sens à son métier

J’ai fait un bac agricole puis une formation d’architecte paysagiste. J’ai été animateur puis responsable communication dans un parc botanique dans le Loiret. Ma passion, c’était les paysages, les plantes, le travail de la terre et la préservation de l’environnement. Et la question était : comment allier mes passions à ma profession ? Je cherchais vraiment un métier qui ait du sens (préserver paysage et lien social pour échanger avec les gens). A cette époque, l’agriculture ne pouvait pas répondre à tous ces éléments. Je n’avais pas une image positive de l’agriculture.

Une mise en réseau primordiale

Au cours de ma formation, l’essentiel de ce que l’on a appris, concernait la production conventionnelle qui ne me correspondait pas du tout. L’élément déclencheur a été pour moi de découvrir le système des AMAP qui supposait énormément d’échanges avec les gens (coup de main lors des chantiers agricoles, lors des distributions). L’autre moteur a été l’agriculture biologique (j’y retrouvais le lien à la terre, la préservation des paysages).
J’ai découvert la bio dans le Loiret chez différents maraichers. Ils avaient la chance d’être nombreux et s’entraider. Je les ai suivi pendant un moment (formations Afocg, Gabor…) et cela m’a procuré beaucoup d’énergie.

Projet d'installation

A partir de ce moment, s’installer était devenu un rêve et un projet familial (projet de vie de couple sur la ferme, de vivre à la campagne…). Je voulais être autonome, maître de mes choix, tout en étant accompagné, pour progresser (Adabio, Gab… et Afocg).

Un système actuel gourmand en temps

Aujourd’hui, je livre 45 paniers / semaine, l’ensemble de ma ferme est en bio. J’ai 14 ha très diversifiés car je voulais retrouver la notion de ferme (avoir des animaux, beaucoup de variétés de légumes…). J’ai cherché longtemps à m’installer dans le Loiret (10 ha avec bâtiments) mais sans succès donc je suis retourné dans le pays de Gex sur les terres familiales. J’ai construit mon projet autour du maraîchage (1,5 ha, 6 tunnels de 300 m2). J’ai aussi un peu d’élevage (3 mères allaitantes) pour faire des veaux sous la mère. On fait aussi un petit peu de vin, des vergers et 1 ha de céréales pour les bêtes et les engrais verts.

Tout cela demande beaucoup plus de main d’œuvre que ce que je pensais. Je suis à plein temps avec un salarié qui travaille 26 h par semaine. Mon père s’occupe de la vigne et mon beau-père vient une semaine par mois pour le désherbage et les AMAPiens viennent m’aider pour les gros chantiers.

Je suis très en retard par rapport à l’implantation de bâtiment prévu dans mon EPI. C’est un frein car je repousse tous les ans. Je perds beaucoup d’énergie et je stocke pour l’instant dans la maison de mes parents.

Par rapport au projet de départ, ma femme a finalement dû travailler à l’extérieur pour vivre. La ferme prend beaucoup de temps et on a peu de temps libre. Le projet de famille devient parfois difficile car je suis très peu présent à la maison.

Un autre point dont je n’avais pas conscience au début c’est que lorsqu’on s’installe, on devient aussi chef d’entreprise (gestion du personnel, paperasse, compta…) et cela prend du temps et de l’énergie.

Pistes d'évolution pour l'avenir

Mes pistes d’évolution pour l’avenir : lancer les permis de construire pour avoir une structure efficace, je lance aussi la construction de la maison et l’objectif qu’on soit 2 à plein temps sur la ferme. Pour cela, il faut connaître la réalité financière de l’exploitation et je compte sur l’Afocg et les formations.

J’ai l’impression d’être assez fidèle par rapport à mon utopie de départ même si ça prend beaucoup de temps. Le gros point qui a changé, c’est la durée de mise en place. C’est très important de pouvoir échanger, c’est difficile de se faire comprendre avec des gens qui ne sont pas du milieu. La porte ouverte sur le monde extérieur, c’est l’Afocg, l’Adabio et les AMAP. J’ai la chance d’être un peu encadré par ces 3 organismes.


Propos recueillis lors des Journées Gestion, Novembre 2010 et repris dans le Guide Crise et créativité paru en 2011