Vincent, maraicher
Une autre commercialisation est possible…

Au cours de l’AG de l’interprofession bio dans la région Centre, en 2000, où nous avions identifié un potentiel de production en région et une demande de produits bios non satisfaite, nous nous sommes posé la question de créer une structure qui fasse la commercialisation de nos produits.

On s’est regroupé autour d’une association et on a rencontré le réseau Biocoop qui nous semblait un réseau pertinent. En juin 2003, nous avons fait le constat que ce n’était pas rentable et on a tout arrêté.

Dans le groupe de producteurs, il y avait des jardins de Cocagne (jardins d’insertion qui vendent des paniers bios) qui avaient un point de dépôt de paniers sur Paris. Nous avons décidé de tenter l’expérience avec eux. Fin 2003, on a livré 23 paniers à Paris, à 120 km de chez nous. Fin 2004, on était à 400 paniers, un an après à 750 et aujourd’hui nous livrons 2500 paniers par semaine (500 à Orléans et 1500 à Paris) dans différents points de dépôts bénévoles (associations, magasins, lieux ouverts…). On livre 48 semaines par an donc ça représente des volumes importants. On est aujourd’hui à 1 million de chiffre d’affaire, ce qui n’est pas évident. Il y a 35 producteurs dont 5 jardins de Cocagne, un lycée agricole et un ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail).

Notre charte éthique permet de mettre certaines conditions à l’entrée de nouveaux producteurs (solidarité, engagement à faire vivre l’association et rencontre annuelle avec les consommateurs sur une des fermes et, de temps en temps, sur les points de dépôt, obligation de ne pas tout vendre aux Paniers Val de Loire pour diversifier ses débouchés…).

Les producteurs amènent les produits en un point et les paniers sont constitués par une association d’insertion. La distribution se fait par deux structures dont une structure d’insertion que l’on a créée et qui ne fait que ça. Cela nous permet de dimensionner le système, avec de la souplesse vu qu’on a 90 points de dépôt en attente. Le suivi administratif est très lourd car il faut gérer 2500 comptes clients (les gens s’abonnent et paient à l’avance en ligne). Cela représente un temps plein et demi. On travaille aussi sur la planification de la production car 2500 paniers par semaine, cela représente environ 10t de légumes. On organise la production à l’avance pour être sûr de pouvoir remplir les paniers.

Je sais presque un an à l’avance ce que je dois produire, en quelle quantité et à quel prix. Cela nous offre la garantie de vendre nos produits. Nous n’avons pas l’ambition de grossir trop vite (on a évalué la masse critique à 4500 paniers pour être complètement indépendants des aides publiques) : actuellement, on grandit de 500 paniers par an uniquement par le bouche-à-oreille. Cela nous permet d’ouvrir les portes à de nouveaux producteurs et d’aider la sécurisation de nouveaux installés. Nous sommes aussi engagés avec un projet couveuse. Notre objectif est que d’autres structures se créent plutôt que de se développer. Nos paniers coûtent en moyenne 13 euros, il y a entre 6 et 7 € de marchandise, 3 € de logistique, 2 € de fonctionnement administratif et 1 € de « bénéfice/ investissement ».

Notre objectif n’est pas de faire du bénéfice mais bien de rémunérer les producteurs qui gèrent cette structure pour leur travail. On fait des enquêtes de satisfaction qui ont un bon retour. Le turn-over des consommateurs est faible. Les gens soutiennent une démarche sociale (structures d’insertion) et le fait que des producteurs puissent vivre de leur métier. Chaque semaine, il y a un mot dans le panier expliquant ce qu’il y a dedans, une recette et une décomposition du prix. Par ailleurs, le fait de se fédérer en groupe nous a permis d’avoir accès à des financements publics.


Propos recueillis lors des Journées Gestion, novembre 2009, sur le thème : "Réactivité et accompagnement créatif au changement"